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Selles douteuses

Décris-moi tes selles, je te dirai qui tu es

Certains te nommeront Chaman.

 

D’autres trembleront de peur à l’idée que tu ne découvres leurs pensées.

 

Les derniers se prosterneront devant tes prétendus dons de médiumnité.

 

Remercie donc les astres, car en ce jour béni, tu vas te voir investi d’un grand pouvoir. A l’instar du sorcier qui se plonge dans sa boule de cristal ou de la diseuse de bonnes aventures qui voit le futur dans les lignes de la main, tu vas apprendre à connaître les moindres détails de la santé humaine en regardant… des excréments.

 

Apprendre à regarder ses excréments donne plein d’informations sur l’état de santé

Quelle est donc l’origine de ce visage attristé ?! Il s’agit là bel et bien d’un précieux savoir ancestral, que l’homme se transmit de générations en générations pendant des siècles, jusqu’à ce que les oripeaux du paraître ne viennent le cloîtrer dans sa méconnaissance. Heureusement, une récente nuit de pleine lune, je glissai non loin de mon domicile sur une peau de banane. Le corps douloureux et face contre terre, je me retrouvai face à une déjection canine parfaitement craquelée, à qui la lueur lunaire conférait un relief irréel. J’y vis là un signe : il était plus que temps de reconnecter l’humain à la connaissance et à la beauté véritable – ainsi naquit cet article.

 

Va chercher ta plus belle loupe, et surtout ne tire pas la chasse trop vite. Offre-toi donc une minute d’observation quotidienne face au Saint Étron, avec le même plaisir que l’on se fait un cadeau pour soi-même à Noël.

Une histoire de texture

« On ne réinvente pas le monde; le tout est de savoir bien recycler » dit un jour un grand homme… ou peut-être fut-ce une lumineuse publication découverte au détour d’un scroll Facebook enflammé? Qu’importe, cette citation s’applique parfaitement à ta présente lecture.

 

En effet, c’est en 1997 à l’université de Bristol que fut mise en forme la première « graduation de texture spéciale caca », sous la main brillante de Ken Heaton. Tout comme le fit plus tôt son confrère Richter au sujet des séismes, il proposa de classer les selles humaines par typologie (de la plus dure à la plus molle), nous permettant ainsi de mettre des mots sur notre état scatologique. La célèbre « échelle de Bristol » était née ; je vais donc me contenter de la reprendre ci-dessous amendée de mes mots, pour t’en faciliter la compréhension.

Type 1 : billes ou crotte de lapin

Type 1 – « La bille, ou Crotte de lapin » :

Dure comme la pierre, tu as tellement dû pousser pour évacuer ça que tu t’en es fait claquer la veine frontale. On est sur une constipation avancée, tu as des problèmes de transit évident. Pour en arriver à ce résultat, il a dû s’écouler près de cent heures entre le moment où tu as mangé et celui où tu es passé aux toilettes ! En attendant de voir un spécialiste, il est plus que nécessaire de te mettre aux fibres, boire un max de flotte, et de pratiquer une activité physique pour stimuler ta motricité intestinale.

Type 2 : début de constipation

Type 2 – « La saucisse grumeleuse » :

Ce type de déjection n’est ni plus ni moins qu’un agrégat de crottes de lapins. C’est moins critique que le type 1, mais ça annonce quand même un début de constipation bien amorcé – tu as donc la même démarche à suivre. Il est important de se souvenir qu’un humain en bonne santé et normalement constitué doit aller à la selle une à deux fois par jour !

Type 3 : saucisse grumeleuse

Type 3 – « La saucisse craquelée » :

On est sur de la merveilleuse crotte de chien, type de celle que tu as aperçu sur le trottoir. Ton temps de digestion est normal, tu n’as pas à trop forcer pour évacuer, c’est pas le bonheur absolu mais on y est presque.

Type 4 : saucisse lisse

Type 4 – « La saucisse lisse » :

Nous y voilà enfin : le caca idéal. C’est ce qu’on appelle traditionnellement le « perfect », celui qui sort aussi facilement qu’on souffle sur une bougie. Pas une trace de laissée sur le papier, il révèle une excellente digestion – et surtout un début de journée radieuse.

Type 5 : Fragments déchiquetés

Type 5 – « La fragmentée » :

C’est ce type de bouse facile à évacuer qui part en morceaux bien délimités, une à deux fois par jour. On flirt tout juste avec le trop mou, mais ça reste acceptable – ça nécessite juste un peu plus de papier. Rien de spécial à signaler, tu appartiens probablement à la catégorie « casseurs de fruits et légumes ».

Type 6 : Fragments mous

Type 6 – « La déchiquetée » :

A ce niveau-là, on ne flirte plus ; on est plus à la limite du liquide que du mou. C’est une selle détrempée, une matière pâteuse pas hyper ragoutante qui est là pour te montrer que tu as peut-être trop forcé sur les fibres – voir que tu as un petit déséquilibre de la flore intestinale ou une intolérance alimentaire. Si c’est trop régulier, interroge-toi sur ta façon de te nourrir, peut-être que certains aliments que tu consommes quotidiennement ne te sont pas recommandés en ce moment ? Quoiqu’il en soit, tu peux te dire une chose : tes intestins sont probablement irrités, il va falloir y remédier.

Type 7 : diarrhée liquide

Type 7 – « La flaque ou Le spray » :

Inimitable, tout le monde la connaît, cette bonne vieille diarrhée. C’est le strict opposé du type 1 ; la durée de ton transit avoisine à peine les dix heures ; c’est beaucoup trop court pour le coup. Ponctuelle, elle peut refléter une bonne vieille intoxication alimentaire ou une gastro des familles. En revanche, si tu en fais les frais au quotidien, clairement il va falloir consulter. Ton système digestif dans sa globalité doit être dans un sale état ; en attendant un diagnostic plus précis, il peut être intéressant de prendre une complémentation en probiotiques pour t’aider à calmer l’inflammation.

Jusqu’ici, nous sommes restés dans une lecture plutôt « traditionnelle » de tes selles – tu vas te rendre compte qu’elles peuvent nous en dire beaucoup plus que tu ne l’imagines. Mais avant de tenter de percer ces mystères embaumés qui ponctuent nos journées, il va te falloir quelques prérequis : tu n’as toujours pas idée des quelques ingrédients essentiels qui composent tes excréments. Voici donc, pour toi, la recette millénaire de l’étron humain, qui a traversé les âges et qui les traversera encore demain.

* Recette express de la déjection qui enchante tes fesses

Pour un volume journalier d’environ 200g de matière fécale par homme adulte, il y a:


Environ 75% d’eau, soit près de 150g (cette proportion est variable en fonction du type de selle)


Les 25% ou 50g de matières sèches restants se répartissent en:


– 1/3 de fibres alimentaires non digestibles (type cellulose)
– 1/3 de bactéries mortes, fruits de l’activité de ton microbiote intestinal
– 1/3 de déchets divers : résidus toxiques, bile, globules rouges, etc.


La touche finale est apportée par les pigments biliaires (urobiline et stercobiline); ce sont eux qui lui confèrent sa sublime coloration brune.

La couleurs des selles en dit long sur la santé de tes intestins

Si ton métabolisme fonctionne normalement, voici à peu près ce que tu devrais retrouver dans tes selles, et malgré l’application que tu emploies à te différencier du reste du monde, une crotte reste une crotte : elles se ressemblent toute.

Il y a cependant parmi nous des artistes, qui parviennent à produire sans le vouloir à peu près toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Malheureusement, si créatif sois-tu, tu dois entendre que ce n’est pas forcément de bon augure d’évacuer des selles rouge brique. Mais pour pouvoir le résoudre, encore dois-tu comprendre d’où provient ton précieux « talent ».

Si un masque à gaz est nécessaire dans tes toilettes, ce n'est pas bon signe. Observons ensemble la couleur de tes selles.

Des goûts et des couleurs

Rassure-toi d’office : il n’est absolument pas question que je te demande de porter l’une de tes productions à ta bouche, tu ne te trouves aucunement au cœur d’une rubrique scatophile déguisée. En revanche, il est bon de noter que l’interprétation des selles passe également par l’odeur ; car NON, il n’est pas normal que tes WC deviennent une zone de non-droit après ton passage matinal. J’entends donc par « goût » l’intime signature odorante qui sait donner tout son caractère à ton œuvre accomplie. Trêve de digression, il est grand temps de pénétrer au sein de la gamme chromatique pour affiner ta sensibilité artistique.

Selles jaunes, grasses, collantes :

Proches voisines de la diarrhée, ces selles molles et odorantes affichent bien souvent un taux de graisses anormalement élevé, qui serait bon de faire contrôler par une petite analyse. Celui-ci traduit une malabsorption chronique. Il y a un bug quelque part : intestin perméable, déficit enzymatique, microbiote affaibli ou un peu des trois ; quoiqu’il en soit il est question d’approfondir tes investigations pour pouvoir sortir de cette situation. Il n’est pas question de se retrouver maigre et carencé !

 

Selles pâles, blanches ou grisonnantes :

Te rappelles-tu des ingrédients qui composent les excréments ? La coloration des selles vient essentiellement de la bile, qui elle-même est en provenance directe du foie. Ainsi quand la couleur vient à manquer… c’est au niveau du foie qu’il faut se tourner. Il se pourrait bien qu’un petit quelque chose bloque l’évacuation de la bile : qu’il s’agisse d’un caillot ou d’un problème à la vésicule biliaire, même combat – cette teinte blafarde doit t’emmener à la consultation rapide. En attendant, tu peux t’essayer à consommer un stimulant du foie, comme l’artichaut, le romarin, ou le radis noir – en petite proportion ! Si ça devient douloureux c’est que quelque chose bouche ; si tu retrouves une timide coloration c’est que ton foie a besoin d’être soutenu et de récupérer. Plus une goutte d’alcool, un bon repos, et au rayon plantes : chardon-marie et desmodium seront tes meilleurs alliés !

 

Selles orangées hyper odorantes :

Et oui, cela existe, et ça m’est même arrivé ! Ces selles inquiétantes qui brûlent les naseaux témoignent d’une dysbiose, d’un déséquilibre de ton microbiote. Une chose est sûre : tu digères mal les protéines. De fait, ces dernières stagnent et forment des stases à divers endroits de ton système digestif, et que se passe-t-il quand on laisse de la bouffe en tas quelque part ? Ça attire des bactéries pathogènes (dites à Indoxyl Sulfate, parles-en à ton doc’ pour confirmation), qui vont putréfier le tout. Pas de bol, celles-ci font aussi souvent le lit de dégénérescence pas hyper cool… on les raconte même plutôt copines du cancer. Pas de panique immédiate, mais il est plus que nécessaire que tu réduises ta consommation de protéines, et que tu rééquilibres ta flore intestinale au plus vite. Plein feu sur les bons probiotiques !

 

Selles vertes :

Première option, tu te démontes à la chlorophylle et tu consommes très probablement des algues type chlorella ou spiruline – il est dans cette configuration parfaitement normal d’obtenir ce genre de résultat. Seconde possibilité, ton transit est trop rapide et la matière qui en résulte est également un peu molle. Dans ce cas, il va falloir que tu t’envoies un peu de douceur et probablement que tu fasses descendre le stress. Sport doux, exercices de respiration et alimentation qui câline la muqueuse intestinale te feront le plus grand bien. Réduit un peu ton apport de fibres insolubles pendant un temps, remplace ton riz complet par du bon sarrasin, et fait péter gels de chia et d’aloé vera dans tes smoothies ; ça devrait repartir comme en quarante.

 

Selles noires :

Je te l’accorde, c’est hyper badant mais rassure-toi, ce n’est pas forcément si grave. Il est tout à fait possible que tu sortes d’une orgie de betteraves, de mûres ou que tu aies consommé du charbon actif ces derniers jours. Ça ne te dit rien ? Dans ce cas, c’est plus probablement dû à la présence de sang coagulé dans tes selles ; et s’il est arrivé dans cet état jusqu’à la cuvette, ça veut dire que le saignement s’est produit assez tôt, généralement au niveau de l’estomac ou du duodénum. Si c’est le cas, pas de panique : il existe une flopée de causes qui peuvent expliquer ce phénomène, de la simple carence en fer jusqu’à l’ulcère gastrique. Si le phénomène se répète, adopte le réflexe « on passe chez le doc’ pour un brave diagnostic » – car c’est seulement en étant certain de la cause que tu pourras la solutionner.

 

Sang et/ou mucus dans les selles :

Même combat que la version précédente – à la différence que cette fois-ci, le problème s’est produit plus bas, généralement dans l’intestin grêle ou le côlon. Encore une fois, les causes sont tellement nombreuses qu’il me serait difficile de toutes les énumérer… mais il me semble fondamental que tu comprennes qu’il existe bien des raisons bénignes à ce type de phénomène avant de rédiger ton testament. Que l’on parle de constipation, d’hémorroïdes, de l’érosion d’un diverticule ou d’une varice, ou que ce soit plus grave : quoiqu’il en soit on a ici à faire à une inflammation de l’intestin. Tu connais déjà la rengaine, il est temps de t’offrir de la douceur : évite de toutes tes forces les irritants potentiels (médicaments, épices, café, alcool, polluants divers), bichonne ton microbiote avec des aliments fermentés, et privilégie les fibres douces (légumes cuits) pour un temps. Que le saint Curcuma, notre meilleur anti-inflammatoire naturel, fasse désormais partie de tes assaisonnements !

 

 

C’est officiel, te voici prêt à écouter tous les secrets livrés par ton sphincter ; ma tâche est accomplie, je peux dormir en paix. Mais avant de te laisser à ton sort, je veux que tu comprennes que bien au-delà d’une simple observation scatologique, la tâche qui t’incombe maintenant est de te reconnecter avec ton corps et à son fonctionnement originel. Quelle honte peut-il y avoir à se demander si l’on va bien ? Doit-on accepter de vivre « en dehors de nous » parce que la bienséance sociale nous l’impose ? S’il est PARFAITEMENT NORMAL d’aller à la selle chaque jour, il l’est beaucoup moins d’accepter de vivre avec des troubles digestifs permanents – et nous nous battrons main dans la main jusqu’à ce que le type 4 devienne notre quotidien.

 

 

Ecoute-toi, chaque jour, et n’oublie pas de te donner plein d’amour. Peut-être qu’un jour, qui sait, tu transmettras à ton tour ces savoirs ?

 

 

 

Rédaction : Adrien Richard

Illustrations : Juliette Moitron

 

 

 

Sources :

 

Dr AXE.
Poop: What’s Normal & What’s NOT? https://draxe.com. Février 2018

 

Société canadienne de recherche intestinale.
Renseignements sur les excréments. https://www.badgut.org. Numéro 182 – 2012

 

Emily Rekstis.
Poop and You. www.healthline.com. Juin 2018

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